Les pluies de météorites

Dans 90% de cas, une boule de feu visible dans le ciel produit plus d’une météorite sur le sol. Lorsqu’un grand météore éclate pendant sa traversée de l’atmosphère, cela peut produire une vraie pluie de météorites avec des centaines, voire des milliers de météorites qui tombent au sol.

On connait des pluies de météorites historiques très bien documentées où l’on a investi beaucoup d’efforts pour mesurer et cartographier les positions de centaines de météorites sur le sol. Mais aujourd’hui, il est possible de documenter la position de chaque météorite rapidement grâce à un GPS. Sinon, cette étude ne serait pas encore publiée.

Une pluie de météorites en Oman

Dans le cadre de projets de recherche sur les météorites d’Oman, trois météorites pierreuses ont été trouvées par deux équipes distinctes presqu’au même moment, le 17 février 2002. En les comparant entre elles, elles semblaient appartenir à la même chute.

Il faut savoir que dans une pluie de météorites, les pierres les plus massives se trouvent à l’extrémité la plus éloignée de la trajectoire de la chute. Ainsi, les poids respectifs de ces trois météorites ont permis d’estimer la direction où devait se trouver les plus grandes masses de cette chute. A la fin de la journée, on avait trouvé 25 météorites appartenant à cette même chute ! Pour mieux comprendre leur distribution, une carte montrant les positions et le poids de ces météorites a été établie. L’arrangement des météorites nous a permis de reconnaître plus clairement l’orientation de cette pluie et par la suite de chercher plus systématiquement de nouvelles météorites.

Photo satellite montrant les positions des météorites individuelles formant une grande pluie de météorites tombée il y a environ 18’000 années. Notez la distribution des masses.

Malgré ces précieuses informations, cette pluie de météorites nous a occupé pendant des années. Pourquoi tellement de temps ? La réponse se trouve dans la taille de cette pluie de météorites. Les pierres étaient dispersées sur une longueur de 25.6 km ! Plus de 3300 météorites pesant entre 52.2 kg et 0.2 g ont été collectées. Dans les secteurs où les météorites étaient nombreuses, un groupe de trois personnes était capable de trouver, de documenter (coordonnées, poids, état, nombre de fragments, spécimen complet ou incomplet) et d’emballer plus de 300 météorites par jour. Au labo, il a fallu vérifier que ces météorites faisaient bien partie de cette pluie unique. Les collectes se sont prolongées jusqu’en 2016.

La plus grande pièce de la pluie de météorites pesant 52.2 kg. La moitié de la pierre est encore dans le sol. On peut bien reconnaître les formes d’érosion par turbulence (rémaglyptes) qui couvrent la surface de la météorite. La météorite est couverte d’une croûte de fusion.

Des études complémentaires

Plusieurs études ont fourni les données nécessaires pour une modélisation de la chute. Grâce aux isotopes (les atomes d’un même élément mais qui ont un poids légèrement différents sont appelés isotopes) qui sont produits dans un météore voyageant dans l’espace par des rayons cosmiques très énergétiques, on arrive à dater sa chute sur Terre. En utilisant des méthodes basées sur le carbone-14 et le béryllium-10, la chute a été datée de 18’100 ± 2’700 années. L’analyse des gaz nobles, également produits par l’interaction des rayons cosmiques avec les éléments constituant le météore, a permis d’estimer son diamètre dans l’espace à 2 mètres.

De plus, ces données ont permis de déterminer que le météore lui-même était un fragment provenant de la surface d’un astéroïde plus grand qui a été éjecté suite à une collision. Après 0.5- 0.7 millions d’années de voyage dans l’espace en orbite autour du soleil, ce fragment entrait en collision avec la Terre.

Modélisation de la chute

En combinant toutes ces données, la modélisation a permis d’obtenir des résultats assez détaillés de la chute.
Actuellement, si on observe la chute d’une météorite avec un système de caméras, on peut calculer à partir de la trainée lumineuse et de la décélération du météore pendant son passage atmosphérique, l’endroit où elle est tombée. Pour effectuer ces calculs, il faut également considérer les vents, surtout les vents de haute altitude qui peuvent dévier considérablement des petites masses.
Dans notre cas, où la chute est préhistorique, il n’existe ni données fournies par des caméras, ni données sur les vents d’haute altitude ! Mais on connait la masse et le lieu de chute pour chaque météorite. De plus, on connait aussi la forme des météorites, ce qui peut avoir une influence sur leur vol.

Quel modèle pour le vent ?

Les données paléo-climatiques ont montrées que la situation climatique pendant la chute était comparable à celle d’aujourd’hui. Cela a permis d’utiliser et d’analyser les enregistrements des profils de vent des années récentes. Ces données montrent qu’ils existent essentiellement deux situations : une en été où les vents de haute altitude soufflent d’est en ouest et l’inverse en hiver. Tenant compte de la forme courbe de la distribution des météorites, il était clair que la chute s’était très probablement produite en été.

L’interaction du météore avec l’atmosphère

En comparant la masse totale collectée sur le terrain avec la taille et la masse originales dans l’espace, on constate que seulement 1% de la masse initiale a survécu au passage dans l’atmosphère. Le reste de la masse a été perdu par ablation avec l’air. Cela signifie que la surface s’est chauffée à tel point qu’elle a fondu. Très fluide, le mélange a coulé le long de la surface et s’est envolé en gouttelettes, diminuant ainsi continuellement la masse du météore. Quelle chance pour les habitants de la Terre car sans l’atmosphère, comme sur la lune par exemple, les météorites impacteraient la surface sans être freinées. Un météore de la taille qui a produit notre pluie de météorite omanaise aurait produit sur une Terre sans atmosphère un cratère d’environ 40 m de diamètre.

Ce qui s’est passé pendant la chute

Les données détaillées de la distribution des météorites sur le sol ont permis de reconstruire la trajectoire et la séquence de fragmentation en détail. Ainsi, un météore d’une masse de 12 tonnes a percuté l’atmosphère terrestre avec une vitesse de 20 ± 3 km/s (= 72’000 km/h !) avec un angle de 43° par rapport à la surface. La trajectoire avait un azimut de 329°. Ce bolide a donc traversé l’atmosphère du sud-est au nord-ouest.

Les traits rouges indiquent la superposition des distributions de météorites produites par les fragmentations qui se sont produites à 34 km, 26 km, 22 km 19 km d’altitude.

Pendant son passage atmosphérique, le météore a subit une série de fragmentations importantes. Une première à une altitude d’environ 34 km, une majeure à une altitude de 26 km, une troisième à 22 km et une dernière à 19 km. De plus, il a été possible de simuler les positions de certaines météorites qui montrent une forme aplatie. Le modèle obtenu pour les vents à partir de données actuelles fonctionne très bien pour ce cas préhistorique. Les pierres soufflées vers l’ouest indiquent que la chute s’est produite pendent la saison des moussons en été.
C’est grâce au grand nombre de météorites, à la distribution courbée de leur point d’impact et aux conditions climatiques comparables à celles d’aujourd’hui que des résultats si détaillés ont été possibles.

→ Article scientifique disponible en accès libre: Wimmer, K., Gnos, E. and Hofmann, B., 2022. Once in a summer: Fall history of the JaH 073 strewn field, Sultanate of Oman. Meteoritics & Planetary Science. http://dx.doi.org/10.1111/maps.13924

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