Photo d’introduction : Thecocodium quadratum (Werner, 1965), taille env. 5 mm © Richard Collins, FL, USA

Chaque été, nous nous baignons avec insouciance au milieu de milliers de méduses ! Même si l’on imagine instinctivement de grandes créatures aux dentelles venimeuses, les méduses marines sont en grande majorité de petite taille, voire minuscules, ne mesurant que quelques millimètres. Bien plus abondantes que les grandes méduses, les Hydroméduses (Classe Hydrozoa) contrarient rarement nos baignades estivales puisque leurs capsules urticantes pénètrent à peine notre peau.

Leur anatomie est bien distincte des grandes méduses Scyphozoaires. Mais leur capture habituelle, à l’aide de grands filets à plancton qui les abîme, ne permet pas de les photographier dans leur plus bel appareil et d’en faire ainsi une parfaite étude. Ces dernières années, une nouvelle technique s’est établie permettant de réaliser des photos spectaculaires : la plongée en eau sombre. La « Blackwater Diving » s’opère de nuit, au large des côtes où la profondeur de l’océan dépasse 200 m,  mais n’est immergé que de quelques mètres.

Aglaura hemistoma Péron & Lesueur, 1810 © Richard Collins, FL, USA

Grâce à une collaboration avec un plongeur et photographe passionné, Richard Collins, j’ai pu réaliser une étude insolite sur des méduses vivant dans le Gulf Stream, entre 5 et 7 km au large de la Floride. Lors de 75 plongées (soit 123 heures sous l’eau) étalées sur deux années, Richard Collins se laissa dériver pendant 80 à 120 minutes au gré du courant et photographia le plancton qui remonte chaque nuit des profondeurs la mer. Il échantillonna également des Hydrozoaires à l’aide de sacs en plastique dans le but d’effectuer leurs analyses génétiques. Une fois sur la terre ferme, il envoya les spécimens récoltés et conservés dans de l’alcool ou du formol au Muséum d’histoire naturelle de Genève afin d’en extraire l’ADN, de l’amplifier et de déterminer leurs codes-barres génétiques, sorte de « carte d’identité » de chaque espèce. Plus de 1500 photos couplées aux analyses génétiques ont permis de distinguer et reconnaitre au moins 52 espèces, dont six étaient encore inconnues.

(Gauche) Aequorea neocyanea Schuchert & Collins, 2021, diamètre : 50 mm ; (Droite) Staurodiscus tetrastaurus Haeckel, 1879,  taille env. 5 mm ©Richard Collins, FL, USA

Les Hydrozoaires peuvent s’incarner sous deux formes différentes selon leur stade de vie. Les polypes sont l’une de leurs apparences. Fixés aux substrats benthiques, ils produisent des méduses libres et pélagiques, qui ne sont rien d’autre que leur stade sexué dans ce cycle de vie complexe. Les liens entre ces deux stades restent souvent mystérieux : les polypes et les méduses d’une même espèce ont souvent été identifiés sous différents noms. Lors de cette étude, la génomique a également permis d’attribuer des polypes à des espèces de méduses, déjà classifiés dans la littérature scientifique.

The hydrozoan life cycle – Cycle de vie des Hydrozoaires

Les observations et les résultats de cette étude, ainsi que les descriptions des nouvelles espèces, ont été publiés récemment dans la Revue suisse de Zoologie (Schuchert & Collins, 2021). Et une deuxième publication dans la revue Zoology traite en détail des relations entre méduses et polypes.

(Gauche) Larsonia pterophylla (Haeckel, 1879), taille 27 mm ; (Droite) Zancleopsis cabela (Maggioni et al., 2017), taille 10-15 mm ©Richard Collins, FL, USA

Références :

Article scientifique en Open Access : Schuchert P., Collins R. 2021. Hydromedusae observed during night dives in the Gulf Stream. Revue suisse de Zoologie 128(2): 237-356.

→  Article original disponible à la bibliothèque du Muséum

Article scientifique en Open Access : Maggioni D.,  Schuchert P.,  Arrigoni R.,  Hoeksema B.W.,  Huang D.,  Strona G.,  Seveso D.,  Berumen M.L.,  Montalbetti E.,  Collins R.,  Galli P., Montano S. 2021. Integrative systematics illuminates the relationships in two sponge-associated hydrozoan families (Capitata: Sphaerocorynidae and Zancleopsidae). Contributions to Zoology 90(4-5): 487-525.

Laisser un commentaire