De très nombreuses utilisations scientifiques
Les œufs constituent des preuves de la présence des espèces mais aussi et surtout des preuves de leur reproduction (une information que les oiseaux empaillés ne donnent pas). La taille des œufs et des pontes renseigne sur l’évolution de la fécondité et la fécondité passée de certaines espèces. Les lieux et dates de collecte renseignent sur leurs aires et leurs périodes de reproduction anciennes. Les pontes d’espèces communes, quand elles consistent en de longues séries temporelles (jusqu’à 200 ans) – avec une large couverture géographique – peuvent être utilisées pour étudier les changements et souvent les détériorations sur le long terme de l’habitat et du climat, ainsi que du comportement reproducteur des oiseaux. Plus récemment, l’utilité des collections d’œufs a augmenté avec la disponibilité de technologies analytiques avancées, notamment la microscopie électronique à balayage, la spectrophotométrie, plusieurs types de spectroscopie, la chromatographie, la photogrammétrie, le séquençage génétique et les analyses d’isotopes stables.
On a, par exemple, pu montrer que la température et l’humidité ont une influence au cours du temps sur la taille des œufs, que les couleurs des œufs sont influencées par les espèces parasites (comme le Coucou gris et bien d’autres oiseaux parasites) et peuvent indiquer la qualité d’une femelle, que l’ADN conservé dans la coquille et la membrane est exploitable pour les analyses phylogénétiques et taxonomiques, que l’étude des isotopes inclus dans la coquille a permis d’en savoir plus sur les sites de nourrissage des oiseaux de mer ainsi que sur des paléo-environnements. Les coquilles emmagasinent également des polluants dont l’analyse permet de mettre en évidence l’effet des pratiques agricoles, comme ce fut le cas avec le DDT.
Le top 20 des plus grandes collections du monde
Les deux premières institutions de la liste ci-dessous conservent à elles seules près de 40% du patrimoine oologique mondial. Avec près de 19 000 pontes conservées dans ses murs (soit plus de 60 000 œufs), le Muséum de Genève abrite la plus importante collection de Suisse d’œufs d’oiseaux et figure respectivement au 12e et 18e rang des plus grandes collections d’Europe et du monde.
Muséum | Ville/Pays | Nb pontes | Nb oeufs (estimation) | |
1 | The Natural History Museum BMNH/NHM | Tring, UK | 450000 | 1350000 |
2 | Western Foundation of Vertebrate Zoology WFVZ | Camarillo, USA | 275000 | 825000 |
3 | Zoologisches Forschungsinstitut und Museum Alexander Koenig ZFMK | Bonn, Allemagne | 60000 | 180000 |
4 | Museum für Naturkunde ZMB or ISZ | Berlin, Allemagne | 50000 | 150000 |
5 | National Museums of Scotland NMSE/RSM | Edinburgh, UK | 45000 | 135000 |
6 | Naturalis, Nationaal Natuurhistorisch Museum RMNH | Leiden, Pays-Bas | 39459 | 118377 |
7 | Delaware Museum of Natural History DMNH | Wilmington, USA | 36773 | 110319 |
8 | National Museum of Natural History NMNH | Washington, D.C., USA | 31329 | 93987 |
9 | Finnish Museum of Natural History ZMUH | Helsinki, Finlande | 31000 | 93000 |
10 | Naturhistoriska Riksmuseet NRM |
Stockholm, Suède | 29000 | 87000 |
11 | San Bernardino County Museum | Redlands, USA | 28042 | 84126 |
12 | Hungarian egg collections | Hongrie | 23945 | 71835 |
13 | Zentralmagazin Naturwissenschaftlicher Sammlungen, Martin Luther University Halle-Wittenberg MLUH | Halle (Saale), Allemagne | 21000 | 63000 |
14 | Field Museum of Natural History FMNH | Chicago, USA | 20947 | 62841 |
15 | Australian Museum AM | Sydney, Australie | 20000 | 60000 |
16 | Staatliches Naturhistorisches Museum SNMB | Braunschweig, Allemagne | 20000 | 60000 |
17 | Zoologicheskii Institut ZISP | Saint Pétersbourg, Russie | 20000 | 60000 |
18 | Muséum d’Histoire Naturelle de Genève MHNG | Genève, Suisse | 18571 | 61798 |
19 | Zoologisk Museum ZMUC | Copenhague, Danemark | 17000 | 51000 |
20 | American Museum of Natural History AMNH | New York, USA | 16679 | 50037 |
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Avantages et inconvénients
Bien que fragiles, les œufs sont plus faciles à conserver que les peaux car ils ne sont pas la cible d’attaques par les ravageurs et craignent peu l’humidité ou les variations de température. Néanmoins, dans les décennies qui ont suivi le début de la réglementation de la collecte d’œufs dans les années 1930-1960, un préjugé contre la collecte d’œufs historiques peut avoir conduit à une utilisation relativement faible des collections par les chercheurs, particulièrement en Angleterre. Le fait que certaines collections rassemblées par des amateurs se soient avérées peu fiables scientifiquement a certainement aussi été un frein à la recherche. Aussi, comme il est difficile après coup d’avoir une certitude quant à l’identification de l’espèce qui a pondu l’œuf, des problèmes d’analyse peuvent se poser. Ces difficultés peuvent toutefois être contournées le cas échéant via des tests génétiques (pour l’identification) ou des tests isotopiques (pour la provenance).
L’avenir des collections d’œufs
Les collections d’œufs des musées continuent de s’enrichir par des dons de spécimens anciens, mais très peu d’institutions collectent encore des œufs, bien que cela soit possible dans certains pays pour des espèces communes. Cependant, la richesse des collections actuelles permet d’envisager de nombreuses études dans le futur. La digitalisation des collections et leur mise en ligne a permis de soumettre des collections entières à la sagacité de la communauté scientifique, occasionnant un bond dans l’amélioration de la qualité des informations associées. Ce travail reste toutefois assez lacunaire, particulièrement pour les collections d’Amérique du Sud. A Genève, la collection est entièrement digitalisée et en grande partie photographiée, et la mise en ligne fait partie des projets prioritaires pour les années à venir.
Le cas de la collection d’œufs de Werner Haller
En 2007, Mme Margrit Haller, veuve de Werner Haller, nous signalait son envie de vendre la collection de son mari décédé en 1980. Avec environ 30 000 œufs, cette collection privée comptait autant d’œufs que la collection de Muséum de Genève, pourtant réputée la plus importante de Suisse.
Acquise par le Muséum de Genève en 2011, cette collection a été depuis entièrement intégrée et photographiée. Elle a notamment servi à la création de documents sur l’identification des œufs et l’illustration de nombreux articles. Elle a fait l’objet d’expositions et constitue la base de l’ouvrage « Œufs » du photographe naturaliste Paul Starosta paru en 2018.
Importance de la collection d’œufs de W. Haller dans la collection d’œufs du Muséum de Genève
La collection du Muséum a été pratiquement doublé suite à l’achat de la collection Haller. Cette dernière n’a toutefois apporté qu’une seule nouvelle espèce à la collection existante : l’Océanite de Gadalupe Oceanodroma macrodactyla, une espèce d’oiseau de mer aujourd’hui éteinte.
Proportion des oeufs de la collection Haller dans la collection générale d’oeufs du Muséum
Nombre de pontes (coll. MHNG) | 18571 |
Nb de pontes (coll. Haller) | 8513 (46%) |
Nombre d’œufs (coll. MHNG) | 61798 |
Nb d’œufs (coll. Haller) | 29235 (47%) |
Nombre d’espèces (coll. MHNG) | 1832 |
Nb d’espèces (coll. Haller) | 1050 (57%, dont une seule nouvelle espèce pour la collection générale) |
→ Article scientifique : Marini, M. A, Hall, L., Bates, J., Steinheimer, F. D., McGowan, R., Silveira, L. F., Lijtmaer, D. A., Tubaro, P. L., Córdoba-Córdoba, S., Gamauf, A., Greeney, H. F., Schweizer, M., Kamminga, P., Cibois, A., Vallotton, L., Russell, D., Robinson, S. K., Sweet, P. R., Frahnert, S., Corado, R. & Heming, N. M. (2020): The five million bird eggs in the world’s museum collections are an invaluable and underused resource. The Auk 137: 1-7.