Un pharmacien chimiste

Albert Brun (1857-1939), né en Genève, était le fils du pharmacien Jacques-Joseph Brun et de Louise Bailly. Il a fait ses études en pharmacie à Bâle, puis à la Sorbonne à Paris, où il s’intéresse à la minéralogie sous l’influence de Charles Friedel (1832-1899).

En 1833, à son retour à Genève, il travaille à la pharmacie de son père à la rue de Coutance (établissement qu’il reprendra à son propre compte deux ans plus tard). Ayant bénéficié d’un enseignement en chimie lors de sa formation, Albert Brun monte un laboratoire dans son officine de Coutance, et ouvre en 1915 un laboratoire d’analyses médicales au numéro 31 de l’avenue Pictet de Rochemont.

Pharmacie Brun (Photo sans date – CIG)

Un alpiniste naturaliste

Albert Brun était un alpiniste passionné, membre de la section genevoise du Club Alpin Suisse dès son plus jeune âge. Il réalise plusieurs dizaines d’ascensions dans les Alpes, mais il se voit davantage comme un naturaliste. C’est ainsi qu’en 1898 il déclare : « C’est ainsi que peu à peu, j’ai été amené, dans le choix d’une course, à obéir à un certain ordre d’idées, assez spécial. Peu m’importe que la marche soit facile ou difficile, que l’itinéraire me fasse passer par un sommet ou à côté : grimper, pour moi, n’est pas le but : ce n’est qu’un moyen d’obtenir l’accroissement de mes connaissances ».

Un volcanologue passionné

Ses intérêts en minéralogie, puis en volcanologie, ont fait d’Albert Brun un grand voyageur au service de la science. Lors de ses premières explorations en quête de volcans, il parcourt d’abord le Stromboli, puis l’Etna et le Vésuve en mars 1901 en compagnie d’Emile Fontaine. En 1902, il embarque sur le navire « Oihonna », afin d’observer les morphologies glaciaires et réaliser des collectes pétrographiques dans l’ouest de l’archipel du Spitzberg (Svalbard).

Albert Brun sur le Vésuve pendant l’éruption de 1906 (photographe inconnu)

En avril 1904, il visite à nouveau le Vésuve, en parcourant la Vallée d’Inferno, située entre l’ancien cône du volcan Somma et le Vésuve actuel. Brun observe les panaches de cendres et assiste à la naissance de trois cratères secondaires qui laissent échapper des coulées fluides au péril de sa vie; il récolte alors de nombreux dépôts de cendres et de coulées de lave encore chaudes, qui seront analysées ultérieurement dans son laboratoire. En septembre de la même année, il récolte les laves de l’archipel grec de Santorin. L’importante éruption du Vésuve de 1906 le rappelle sur les lieux. Accompagné par Emile Fontaine, il gravit le cône du Vésuve, bravant les retombées de cendres incessantes et traversant à grand-peine les dépôts volcaniques brûlants, et photographie, note, et prélève des échantillons de cendres et de lave.

En 1907, c’est accompagné de l’alpiniste Henry Fairbanks Montagnier, qu’il part voir les volcans des Canaries. En août et septembre de l’année suivante, Albert Brun se rend en Indonésie, sur l’île de Java, pour faire l’ascension de volcans célèbres : le Bromo, le Merapi, le Papandayan, le Semeru et le Tangkubanprahu. Il traverse même la caldera immergée du Krakatau, formée à la suite de sa formidable éruption d’août 1883, allant prélever des roches sur l’île Rakata. En 1910, il se rend au bord du lac de lave du Kilauea à Hawaii pour y prélever des échantillons de gaz volcaniques. Le volcan éteint Haleakala sur l’île de Mauï fera également l’objet d’une ascension. Ses dernières excursions liées aux volcans remontent au mois d’août 1913, période durant laquelle il échantillonnera des obsidiennes de la région du Cabo de Gata, en Andalousie.

Cylindres employés pour la production de la pierre ponce artificielle (photo : Stefan Ansermet – Musée de Lausanne)

Un expérimentateur

Mais Albert Brun n’était pas qu’un observateur : ses analyses de roches et de gaz volcaniques prélevés in situ et ses expériences de fabrication de la pierre ponce artificielle (menées dans son propre laboratoire ou dans celui d’Ernest Durand dans la rue de la Coulouvrenière) ont été publiées dans de nombreux articles.

Le livre rédigé par Albert Brun « Recherches sur l’exhalaison volcanique », ouvrage majeur dans son domaine, se veut avant tout être non pas « un exposé descriptif, mais un recueil de données numériques et d’observations précises concernant les phénomènes physiques et chimiques qui se passent dans la couche de terrain du volcan la plus rapprochée de la surface terrestre ».

Albert Brun (photo sans date)

Albert Brun a connu une vie riche du point de vue scientifique. Chercheur curieux et prolifique, c’est grâce à ses expérimentations en laboratoire pour expliquer les phénomènes naturels qu’il a eu tant de mérite. Il est également l’un des rares scientifiques à avoir autant voyagé, afin de se rendre compte des phénomènes décrits par d’autres savants, directement sur le terrain, et à établir ses propres lois d’après ses observations.

Ses recherches au sujet de l’eau dans les volcans et sa tentative de mise en évidence des hydrocarbures en tant que « générateurs de gaz » se sont finalement avérées fausses. Mais, malgré ses erreurs, le volcanologue genevois a beaucoup travaillé à la détermination de la nature des gaz et analysé de nombreux minéraux au sein des roches, ce qui permettra des avancées majeures qui aboutiront aux techniques d’analyse actuelles en géochimie et en minéralogie.

 

Références :

→ Livre empruntable : Brun, A. 1911. Recherches sur l’exhalaison volcanique.   A. Kündig, Genève et  A. Hermann et fils , Paris.

→ Article disponible sur abonnement : Schnyder, C. & Hollier, J. (2023). The rock and mineral collections of Albert Brun (1857-1939), pharmacist and vulcanologist in Geneva. Earth Sciences History 42(1): 196-214.

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