Où trouve-t-on des fossiles de poissons ?

Bien que les poissons soient des animaux aquatiques, leurs fossiles se trouvent en général sur la terre ferme. L’explication de cette bizarrerie est que les roches constituées de sédiments accumulés au fond des mers et des lacs, qui contiennent parfois des poissons fossiles, se sont ensuite déplacées au-dessus du niveau marin entraînées par les mouvements des plaques tectoniques. Les milliards de fossiles prisonniers des roches restées au fond des océans resteront, eux, invisibles à tout jamais… sauf si un forage géologique vient à leur rencontre ! C’est ce qui s’est produit dans les années 1970 lorsqu’un forage effectué dans le cadre du Deep Sea Drilling Project a capturé par hasard le fossile d’un petit poisson au fond de l’océan Atlantique, à 400 kilomètres de la côte africaine dans la région des îles du Cap Vert. Le fossile se trouvait à 700 mètres sous le plancher océanique qui est lui-même situé sous plus de 4000 mètres d’eau. Autrement dit, il se trouvait à plus de 4700 mètres sous le bateau de forage ! Mais le petit poisson n’a pas été repéré tout de suite.

Le lieu du forage (point rouge) dans l’Atlantique sud

Caché au fond d’une vieille carotte !

C’est seulement en 2018 que Max Casson, un doctorant de l’Université de Manchester qui effectue sa thèse sur l’évolution tectono-stratigraphique de la bordure occidentale de l’Afrique, est tombé par hasard sur le fossile. Il l’a trouvé dans une couche datée du Cénomanien, un étage géologique du Crétacé supérieur âgé d’environ 100 millions d’années. Max a transmis le spécimen à la personne qui étudie les poissons de cette époque au muséum d’histoire naturelle de Genève. Celui-ci s’est précipité sur ce petit fossile d’à peine 4 cm de long pour dégager les détails de son anatomie sous une loupe binoculaire à l’aide d’une fine aiguille. On ne peut pas dire que le petit poisson fossilisé soit particulièrement beau et bien préservé. Il est même probable, d’ailleurs, que s’il avait été découvert dans des conditions plus « normales », c’est-à-dire sur la terre ferme, il n’aurait pas fait l’objet d’autant d’attention. Mais son lieu d’origine le rend tout à fait remarquable.

Photographie et dessin interprétatif du petit poisson fossile découvert sous le fond de l’Océan Atlantique sud

Un petit parmi des monstres

Après quelque effort, des caractéristiques des poissons de l’ordre des ichthyodectiformes ont été reconnues sur le fossile. Les ichthyodectiformes constituent un groupe de poissons osseux à nageoires rayonnées (les actinoptérygiens) qui contient le féroce Xiphactinus du Crétacé pouvant mesurer jusqu’à 5 mètres de long. Les derniers ichthyodectiformes disparurent à la fin du Crétacé, en même temps que les dinosaures et les ammonites. Il est difficile d’être plus précis dans la détermination du poisson, mais il présente cependant quelques caractéristiques d’un genre connu dans des roches un peu plus anciennes qu’on trouve à la fois en Afrique et en Amérique du Sud. Il faut se rappeler qu’à cette époque, l’Océan Atlantique sud n’avait débuté son ouverture que depuis quelques millions d’années et sa largeur était encore faible.

Ainsi, ce petit poisson préservé pendant 100 millions d’années enfoui profondément dans le fond de l’océan a été pêché par une carotte de forage et nous a finalement rejoint pour nous raconter un petit bout de l’histoire de la Terre.

Le fossile est maintenant conservé dans les collections du muséum d’histoire naturelle de Genève où il devrait y rester pendant les prochains millions d’années, on l’espère !

Le petit poisson du fond de l’Atlantique dans le cercle rouge comparé à son cousin géant, l’ichthyodectiforme Xiphactinus découvert dans le Crétacé supérieur d’Amérique du Nord. Le plongeur (qui n’existait pas à l’époque !) donne l’échelle

 

Article scientifique disponible sur abonnement: CASSON, M, CAVIN, L., JEREMIAH, J., BULOT, L.G. & REDFERN, J., 2018. Fishing in the Central Atlantic, an earliest Cenomanian ichthyodectiform from DSDP Site 367, Cape Verde Basin, Journal of Vertebrate Paleontology.

→  Article original disponible à la bibliothèque du Muséum

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