Une longue histoire libano-genevoise

Depuis bientôt deux siècles, le Muséum de Genève conserve des poissons fossiles de gisements libanais datant du Crétacé, étudiés à l’époque par le célèbre naturaliste François-Jules Pictet. Depuis une petite dizaine d’années, nous avons relancé l’étude de ces poissons, cette fois en collaboration avec des collègues libanais. Plus récemment encore, Tamara El Hossny vient de soutenir sa thèse de doctorat à l’Université de Genève le 2 octobre 2023 sur des fossiles qui viennent en grande partie du Liban.

Vous avez dit dysodiles ?

Une nouvelle étape sera franchie prochainement avec la première campagne de fouilles paléontologiques menées dans un nouveau site contenant des fossiles plus anciens que ceux précédemment étudiés. Cette fouille s’effectuera dans des dysodiles, c’est-à-dire des sédiments qui se sont déposés dans des lacs situés à proximité de volcans, il y a près de 130 millions d’années, au Crétacé inférieur. Des petits grains de terre associés à des poussières volcaniques ont progressivement coulé au fond de ces lacs, formant de fins feuillets qui ont emprisonné les petites et plus grandes bêtes qui y vivaient. Ces organismes sont peut-être morts par empoisonnement avec les gaz des éruptions volcaniques, une hypothèse qui reste à tester.

Des dysodiles, des roches formant de fins feuillets riches en matières organiques et en fossiles.

Le grand livre de la vie

En retirant un à un les feuillets de dysodiles, on découvre tout un bestiaire fossilisé. La métaphore des couches feuilletées de roche qu’on ouvre comme un livre pour y découvrir, page après page, les témoignages de l’histoire de la vie, n’a jamais aussi été vraie !

En fouillant seulement quelques mètres carrés de ces sédiments, toute une faune et une flore ont été trouvées par Dany Azar, le découvreur de ces sites. Pas moins de 8 types de plantes, plusieurs espèces d’ostracodes (des sortes de minuscules crevettes logées à l’intérieur d’une petite coquille), des insectes dont des éphémères, des coléoptères, des diptères et des hyménoptères, une flopée d’escargots marins qui restent à identifier, une série de poissons représentants diverses espèces plus ou moins primitives et deux magnifiques cœlacanthes (causes d’une grande exaltation de l’auteur de ces lignes) font partie des premières découvertes. Enfin, signalons des morceaux de tortues et des coprolithes, les seconds peut-être excrétés par les premières. Un article préliminaire a été consacré à la présentation de cette faune.

Quelques exemples des fossiles découverts dans les dysodiles.

La National Geographic Society

Que peut-on imaginer découvrir sur une plus grande surface fouillée ? La National Geographic Society, l’organisation au cadre jaune bien connue, ne s’est pas trompée sur le potentiel scientifique de ces niveaux en accordant un financement pour mener des fouilles systématiques sur une plus grande surface.

C’est l’histoire de libanais, de belges et d’un suisse dans une fouille

Dany Azar, de l’Université libanaise et de l’Institut de géologie et paléontologie de Nanjing, avec Pascal Godefroit de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, porteurs de cette bourse de la National Geographic Society, ont donc organisé une fouille sur un des sites à dysodiles qui va s’effectuer du 8 au 20 octobre 2023. J’ai la chance de pouvoir me joindre à cette belle équipe !

Il est sûr qu’une multitude d’invertébrés divers et de nombreux poissons vont être découverts, mais n’oublions pas que le Crétacé inférieur est aussi l’âge des premiers oiseaux, de mammifères déjà bien diversifiés, et de dinosaures petits et grands, à écailles et à plumes ! Alors…

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Références :

→ Article disponible sur abonnement : El Hajj, L., Baudin, F., Gèze, R., Cavin, L., Dejax, J., Garcia, G., Horne, D.J., Maksoud, S., Otero, O. & Azar, D. 2021. Dysodiles from the Lower Barremian of Lebanon: Insights on the fossil assemblages and the depositional environment reconstruction. Cretaceous Research. 120, 104732

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