Les turridés en Nouvelle Calédonie

Cette mission a eu pour objectif d’améliorer les connaissances de la faune des turridés (mollusques gastéropodes) du lagon sud-ouest de Nouvelle Calédonie. Les turridés (sensus lato), sont constitués d’un ensemble de familles précédemment rassemblées dans la famille des Turridae. Récemment en effet, suite à une vaste étude phylogénétique, les espèces de cette famille ont été redistribuées en 13 familles distinctes

La Nouvelle-Calédonie est une région de très haute diversité biologique et les turridés ne font pas exception. En effet, un état des lieux établi par le MNHN en 2007 faisait état de 231 espèces de turridés d’eau peu profonde (<100m) alors que plus de 500 morphotypes étaient inventoriés. Depuis lors, 25 espèces nouvelles ont été décrites mais le nombre d’espèces à trouver et à décrire est encore important.

Paysage de l’ile des Pins, lieu-dit « la piscine »

Précédemment à mon affectation au Muséum de Genève, j’ai passé une dizaine d’années comme biologiste marin dans le Pacifique et plus notamment en Nouvelle-Calédonie. Cela m’a permis d’acquérir une bonne connaissance de la faune marine et de tisser un réseau local susceptible de favoriser ma recherche sur le sujet. Cette mission a été réalisée sur fonds personnels et conjointement avec le Dr. Peter Stahlschmidt, spécialiste de ce groupe et descripteur de plus de 200 espèces à ce jour.

La récolte

La mission

Cette mission s’est étalée du 29 janvier au 23 février 2019, période habituellement calme mais qui, cette fois, s’est avérée fort perturbée avec le passage d’un cyclone et d’une dépression tropicale !

Station de prélèvement à l’Ile des pins.

La collecte des spécimens s’est faite presque exclusivement en plongée bouteille, sans moyens destructifs. Une partie des récoltes a été effectuée par collecte à vue, tandis que la majeure partie a été obtenue par tamisages de sables d’accumulation aux pieds de talus récifaux et sous les surplombs de tombants.

La mission devait initialement se concentrer autour de Nouméa, zone réputée riche et qui présente un vaste ensemble de biotopes. C’est une zone où le lagon est très large et parsemé d’ilots et récifs, mais qui se dégrade, subissant de plein fouet l’importante croissance de la ville depuis plusieurs dizaines d’années.

Requin-léopard

Le projet original était d’échantillonner sur l’ensemble de la zone faisant face au grand Nouméa. Des problèmes de logistique (skipper et bateau indisponibles) nous ont amenés à réviser notre planning et nous a décidé de partir prospecter à l’ile des Pins pendant la première quinzaine. Ce petit paradis est déjà connu pour receler quelques espèces endémiques, mais la faune marine des eaux peu profondes y a été peu étudiée.

Lime électrique

Poissons clowns dans une anémone

Nous avons rejoint le Kunié Diving Resort, seul club de plongée de l’ile qui nous a permis d’effectuer nos récoltes, avec l’autorisation coutumière, en s’intégrant à des palanquées de loisir. Nous avons passé 6 jours sur place, alternant journées de plongées et périodes de tri grossier des sédiments récoltés, en fonction de la météo capricieuse.

Nous avons eu la chance de rencontrer une équipe de moniteurs très sympathiques, l’un d’eux nous accompagnant sur presque toutes les plongées, assurant la sécurité et prenant des photos et petits films témoins de notre activité et de la beauté des lieux.

Le binôme en pleine récolte
Utilisation d’une passoire pour filtrer les plus gros sédiments sous l’eau
Tri de sable et prise de notes après la journée de récolte par Peter Stahlschmidt

La deuxième partie de la mission, basée à Nouméa a été contrariée par une météo défavorable (vents violents liés à un cyclone sur le nord la Nouvelle Calédonie), ce qui ne nous a pas permis de sortir des abords immédiats de Nouméa, protégés par la chaine montagneuse des forts vents d’est. Aussi, les zones les plus riches du lagon et de la pente externe n’ont pas pu être prospectées, bien que notre hôte, M. Pierre Laboute, ait fait son possible pour favoriser nos récoltes. Pierre est un ancien directeur de plongée de l’ORSTOM (Office de la recherche scientifique et technique outre-mer) de Nouméa, formidable plongeur avec plus de 10’000 heures de plongées bouteille et autant en recycleur, qui a fait partie des premiers explorateurs du lagon dès les années 70 et qui a écrit de nombreux livres de référence sur la faune du lagon. C’est lui qui a récolté des échantillons en recycleur sur la pente externe de la barrière à plus de 60 mètres.

Pierre Laboute préparant son recycleur avant la plongée. Emmanuel Tardy tamisant des sédiments.

Bilans

Au total nous avons réalisé 16 sorties de prospection en plongée. 8 sorties à l’ile des Pins avec le Club de plongée de Kunié sur des fonds de 6 à 27 mètres et 8 sorties sur Nouméa avec Pierre Laboute sur des fonds de 8 à 61 mètres.

Une trentaine de kilos de sédiments ont été récoltés, dont une moitié environ a été conservée après lavage, séchage et tamisage pour ne garder que les fractions comprises entre 1 et 5 mm. Les fractions de taille supérieure à 5 mm ont été triées sur place et les fractions inférieures à 1 mm délaissées.

Sable en cours de tri sous la loupe binoculaire

Au total, ce sont plus de 200 espèces de turridés qui ont été trouvées au cours de la mission ainsi que des centaines d’autres espèces de micromollusques qui ne rentrent pas dans le cadre de l’étude.

Plusieurs espèces sont nouvelles pour la Nouvelle Calédonie, d’autres sont nouvelles pour la science et seront décrites prochainement.

Tri des gastéropodes par familles
Rangement des familles de turrides par morphotypes
Réalisation de planches individuelles pour chaque morphotype
Planche générale de Raphitomidae arrangés par similitude

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