Au milieu du causse : pas de route, ni eau ni électricité ; on se débrouille à l’ancienne… et de l’éclairage moderne. (© J.-C. Castel)

L’Igue des Sirènes est un petit gouffre découvert en 2020 par des spéléologues locaux. Lors de la désobstruction du puits naturel qui donne accès à des petites galeries horizontales, de grandes quantités d’ossements ont été découvertes. Le spécialiste du Muséum, qui intervient fréquemment dans cette région a été sollicité pour les identifier. Il a immédiatement mis en évidence l’intérêt de cet ensemble. Trois espèces ont été reconnues : renne, cheval et bison, dont les os sont bien conservés. Les premières analyses ont montré qu’il s’agissait d’animaux tombés dans un aven sans aucune intervention humaine et deux datations réalisées au carbone 14 indiquent un âge de 24 000 ans.

Jean-Claude Collette, responsable de la sécurité spéléo. (© J.-C. Castel)

Des fouilles ont eu lieu pendant une semaine en 2022, puis à nouveau en 2023. Une petite équipe constituée de scientifiques (direction Jean-Christophe Castel et Mathieu Luret – UNIGE), de bénévoles et de spéléologues s’est installée sur place. Les premières analyses karstologiques indiquent que le puits d’accès actuel n’est pas celui par lequel les animaux sont tombés. En effet le puits permettant l’accès actuel au gisement ne laisserait pas passer le corps de grands herbivores, ni même les grands os de bison. Il faut donc imaginer, à quelques mètres, un autre puits désormais complètement comblé et difficile à identifier en surface.

Le puits de 7 mètres vu de la salle principale (© M. Luret)
Le secteur de fouilles avec Alexia à l’œuvre (le tuyau permet d’évacuer le CO2) (© M. Luret)

Bien que la zone fouillée soit très exigüe (il s’agit d’un boyau large de moins d’un mètre et long de 3 mètres), la campagne a permis de collecter un matériel osseux riche et relativement bien conservé. Des racines d’arbres, qui traversent la roche calcaire par des fissures affectent toutefois les niveaux superficiels. Le corpus est désormais composé de neuf rennes, cinq chevaux et trois bisons.

Remontée des seaux de sédiments avant tamisage (© J.-C. Castel)

Le dernier jour de la fouille, dans les niveaux les plus profonds, quatre nouvelles espèces ont été identifiées : le cerf, le loup, le chamois et le lièvre (variable ou européen ?). Leur présence indique une accumulation plus diversifiée dans une structure naturelle ayant fonctionné de façon plus prolongée et susceptible de piéger une gamme variée d’espèces. De nouvelles datations vont être réalisées très prochainement en particulier sur les nouvelles espèces. Le nombre de vestiges enregistrés dans la base de données dépasse désormais 1’500 os, dont une bonne partie est utilisable pour la caractérisation paléontologique et géoréférencée.

Exemple de connexion anatomique : extrémité distale de patte de cheval (© J.-C. Castel)
Fragments de crâne de loup, une espèce nouvelle pour le site (© J.-C. Castel)

Bien que le boyau dans lequel les vestiges osseux sont conservés ne permette la fouille que par une seule personne, nous estimons que ce site peut fournir des informations intéressantes sur les biocénoses et les paléoenvironnements du Dernier maximum glaciaire, complémentaires à celles d’autres sites de même nature (Igue du Gral à Sauliac, Lot). Cette caractérisation d’abondance des principales espèces, de la structure des populations et de la saisonnalité des fréquentations du causse peut être mise en relation avec les activités humaines que ce soit dans les grottes ornées (Pech Merle, Cougnac, etc.) ou dans les habitats préhistoriques sur les plateaux ou dans les vallées.

Pour être rentable, cette opération doit cependant être réalisée en marge d’une autre plus ambitieuse… ce qui fait partie de projet en cours d’élaboration (la suite au prochain post !).

Les vaillants fouilleurs : de g. à d. : Alexia Dorkel (UNIGE), Baptiste Mesot (UNIL), J.-C.Castel (MHNG), Bruno Béguet (amateur), Mathieu Luret (UNIGE) (© B. Mesot)

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