Près du hameau de Jovelle, en Dordogne (sud-ouest de la France), un réseau de petites grottes horizontales a livré un ensemble particulièrement riche en vestiges archéologiques. La cavité principale est surtout connue pour ses gravures pariétales de mammouths attribuées à l’Aurignacien ou au Gravettien (entre 32 et 26 000 ans environ).


Les remplissages archéologiques de cette cavité ont eu une très longue histoire puisqu’on y reconnaît la présence de vestiges du Moustérien, de l’Aurignacien, du Gravettien (avec de possibles passages des solutréens et des magdaléniens) et même du Néolithique (grotte sépulcrale) et de l’âge du Fer. De plus, des activités humaines du Moyen Age (extraction de meules, puis de pierre de taille pour bâtir le château voisin) et de l’époque contemporaine (carrière de pierre de taille), des activités de fouisseurs (blaireaux, renards), et même des fouilles clandestines viennent perturber le sommet de ces dépôts. La carrière, en exploitation du XIIe au XIXe siècle, a en outre détruit une partie des parois gravées. Comme si cela ne suffisait pas, une activité de hyènes des cavernes a été mise en évidence à la base des couches.


C’est dans ce contexte très compliqué que des fouilles ont été entreprises en 2020, afin de mieux comprendre les différentes occupations préhistoriques et particulièrement celles contemporaines des œuvres gravées. Celles-ci ont été placées sous la direction d’Alexandre Michel et du Service Départemental de l’Archéologie de la Dordogne. L’archéozoologue du Muséum intervient dans ce projet scientifique depuis son origine et il est associé à la direction de l’opération depuis 2024.
La faune identifiée sous forme d’ossements dans la galerie ornée correspond à de très nombreuses espèces qui témoignent de l’histoire complexe de cette galerie. Les os ont aussi des patines très différentes. Dans l’état actuel de la recherche, il est très difficile de caractériser les comportements humains à telle ou telle époque. Tout au plus peut-on affirmer que les populations paléolithiques étaient essentiellement des chasseuses de renne et occasionnellement de bison ou de cheval. Cela constitue pour l’instant une maigre avancée de la connaissance ! Il est également apparu que les activités des hyènes des cavernes se sont mélangées à celles des moustériens et des aurignaciens et que ces carnivores consommaient les mêmes espèces que les humains ; ce qui ne simplifie pas le problème !

Afin de bien caractériser les activités humaines, il est donc nécessaire de ne pas les confondre avec celles des autres occupants de la cavité. Nous avons donc décidé d’entreprendre des fouilles dans des galeries parallèles à la grotte ornée qui ont essentiellement été occupées par ce carnivore.
La galerie de Jovelle 2 est elle aussi un peu complexe, avec un mélange de quelques vestiges du Moustérien et des activités des hyènes assez dégradées.

La galerie de Jovelle 3 est beaucoup plus intéressante. Dès la première campagne en 2024, nous avons pu mettre en évidence de nombreux aspects des activités des hyènes dans leur tanière : choix des espèces, sexe et âge des animaux abattus et degré de destruction des os (et présence d’os sans traces de modifications).



La carrière ayant colmaté l’entrée de la tanière et détruit marginalement le fond de celle-ci, les fouilles se déroulent pour l’instant dans une partie étroite ou plusieurs hyénons sont morts. A côté de leurs os éparpillés, on trouve des os de bisons et de chevaux et, plus rarement, ceux de rhinocéros laineux et de mammouth ; tous sont des reliefs de repas de hyènes adultes. Le renne, gibier de prédilection des humains n’apparaît quasiment pas dans ce contexte naturel.
Ainsi, ces informations renseignent sur le comportement de ce grand carnivore mais elles aident aussi à comprendre ce qui s’est passé réellement dans la galerie occupée par l’Homme. Il sera désormais plus facile d’identifier ce qui relève réellement des activités humaines (chasse et consommation des carcasses).

Article écrit avec la complicité de Alexandre Michel (Service Départemental d’Archéologie de la Dordogne) responsable principal des fouilles dans les grottes de Jovelle.
