Les causses du Quercy sont des plateaux calcaires du Jurassique situé sur la bordure orientale du Bassin Aquitain. Sur 5300 km2 et entre 100 et 450m d’altitude, une gamme variée de reliefs karstiques est née de l’érosion. Elle est notamment marquée par des circulations d’eau souterraines actives (gouffre de Padirac) ou inactives (grotte de Pech Merle). La recherche de ses réseaux souterrains motive spéléologues et hydrogéologues (pour la consommation d’eau potable) mais aussi protecteurs de la nature (chauve-souris et lutte contre les pollutions de surface) et défenseurs du patrimoine (services de l’état, archéologues et paléontologues professionnels ou amateurs).
Les richesses paléontologiques du Quercy s’étagent de 40 millions d’années avec les célèbres phosphatières qui ont eu un rôle fondamental pour la connaissance des vertébrés terrestres de l’Ere Tertiaire, jusqu’aux découvertes qui nous intéressent ici et qui sont finalement plutôt récentes.
Alors que nous fouillions quelques avens avec des faunes contemporaines du dernier maximum glaciaire, de nombreuses découvertes ont été faites par les spéléologues du Quercy. Nous avons réalisé, avec l’aide de divers spécialistes, des diagnostics paléontologiques et archéologiques dans la plupart de ces nouveaux sites. Ils ont été intégrés aux inventaires supervisés par le Ministère de la Culture. Selon les cas, les activités spéléologiques ont pu se poursuivre ou ont dû être stoppées.
Au cœur du Quercy, la forêt de la Braunhie, où se situe l’Igue des Sirènes, a continué à retenir notre attention. Ce petit territoire en apparence déshérité constitue un terrain de jeu incroyable, tant les découvertes sont nombreuses depuis cinq ans. Il faut dire qu’il s’agit d’une région remarquablement préservée aux reliefs karstiques, dans laquelle spéléologues, chasseurs et quelques promeneurs trouvent un milieu épargné tant de l’expansion péri-urbaine que des travaux agricoles (notamment les gyrobroyeurs qui font disparaître les cavités les plus modestes qui nous intéressent particulièrement) ou encore des centrales solaires qui fleurissent dans cette région considérée comme étant de faible importance économique.
Au cours de cette courte période (2019-2024), une quinzaine de sites paléontologiques et archéologiques ont été découverts sur 30 km2, en dehors de tout projet d’aménagement, ce qui est suffisamment rare actuellement pour être souligné !

Parmi ceux-ci, nous en avons retenu un : l’Igue de Rahan qui comporte une faune riche et variée attribuable principalement à la fin du Pléistocène (entre 25 000 et 10 000 ans). Cette cavité à l’avantage de pouvoir être plus facilement mise en sécurité. Et bien que le nombre de fouilleurs reste limité (3 ou 4 au maximum), il devrait être possible d’obtenir des résultats scientifiques passionnants dans un proche avenir. Un des intérêts principaux de ce site est la présence d’animaux en connexion, notamment de renne, de loup et d’ours (reconnus dans un sondage spéléologique qui traverse d’une dizaine de mètres de remplissage). Des fouilles ont été entreprises en 2024 mais les niveaux les plus intéressants ne sont pas encore atteints.

A proximité, un autre aven a été en partie vidé par d’autres spéléologues entre 2023 et 2024. La faune au départ semblait très peu intéressante (pour nous en tous cas !) car composée principalement de vaches, chèvres et moutons, c’est-à-dire qu’elle est tout à fait semblable à l’actuelle. Dans ces cas-là, il s’agit le plus souvent d’animaux malades ou vieux jetés dans un trou par un éleveur à une époque, pas si lointaine où ce genre de pratique n’était pas contrôlé. Pour cette raison, les spéléologues étaient libre de poursuivre leur travail. En examinant de plus près quelques os de cerf mélangés aux animaux domestiques, nous nous sommes aperçus qu’ils étaient bien plus grands que les cerfs actuels et nous avons fait dater un échantillon. La date obtenue correspond au XIIe siècle. Comme les caractéristiques de l’élevage à l’époque médiévale dans cette région reculée sont très mal connues, nous nous sommes mis en quête d’un scientifique intéressé (et plus compétent que nous pour cette période). Si de telles problématiques sont bien développées dans plusieurs régions de France, c’est moins le cas sur le bord du Massif Central. Il n’y a pas d’urgence, le matériel a été sauvegardé et les spéléologues ont abandonné leur travail à cause du CO2 présent au fond du trou. En parallèle, nous réaliserons une étude paléontologique des cervidés.
Enfin, toujours dans un rayon de 1 km, un nouveau site découvert en 2024 nous laisse perplexes. Outre les habituels caprinés et bovinés domestiques, des os d’un mammifère de taille exceptionnelle ont été collectés. Comme ce sont des fragments brisés, nous n’avons pas encore réussi à identifier l’espèce ; mais cela nous incite à aller y voir de plus près. Les spéléologues ont stoppé leurs travaux et nous attendent avec impatience pour réaliser un diagnostic complet.

Au cours de ces deux dernières années, le nombre de sites identifiés en avens sur les causses du Quercy a été porté à près de 150. Les remplissages sont généralement paléontologiques mais parfois aussi archéologiques. Nous sommes loin des 40 sites qui étaient connus à nos débuts en 2001 ! C’est le fruit d’une collaboration exceptionnelle entre les spéléologues de nombreux clubs et les scientifiques de l’équipe (Muséum d’histoire naturelle de Genève, CNRS et chercheurs indépendants) avec l’aide des services administratifs chargés de l’archéologie au niveau départemental (Cellule Départementale d’Archéologie du Lot) et régional (Ministère de la Culture, Service Régional d’Archéologie d’Occitanie).