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En novembre 2024 est paru un important volume monographique de la Revue de paléobiologie faisant état des recherches menées et des découvertes issues la première série de fouilles de 2001 à 2011 dans l’Igue du Gral.

Il y a quelques mois paraissait un volume de 535 pages, 25 chapitres réalisé par une trentaine d’auteurs. La première partie de l’ouvrage brosse l’historique et la conduite des fouilles en insistant sur la géologie du site. La seconde, la plus développée, est consacrée aux études paléontologiques de la trentaine d’espèces de macrofaune identifiées. Enfin, la dernière partie se penche sur les relations entre ce site paléontologique et les données archéologiques de la région que ce soit les sites d’habitat du Gravettien au Magdalénien ou les grottes ornées, au premier rang desquelles on trouve évidemment la grotte de Pech Merle.

Le volume monographique de l’Igue du Gral paru dans la Revue de Paléobiologie éditée par le Muséum © Castel et Boudadi-Maligne.
Au temps de Pech Merle il y a 29 000 ans : figuration simplifiée des différents types de perception du milieu animal. Précautions : 1) il s’agit d’une sélection d’espèces animales représentatives ; 2) les dates de l’art de Pech Merle et des cavités associées au groupe défini par Michel Lorblanchet sont relativement imprécises et les ensembles naturels et anthropiques ne sont contemporains qu’à quelques centaines d’années près ; 3) l’absence de certaines espèces, comme le mammouth, dans les pièges naturels est peut être due à la petite taille des avens documentés et au mode de déplacement de ces espèces © Castel, Chauvière et Boudadi-Maligne.

Cet ouvrage constitue l’une des plus importantes publications monographiques pour un site français de cette nature depuis longtemps. Mais il est surtout une source d’informations considérable sur la faune et les paléo-environnements de la fin du Pléistocène, notamment lors de la dernière glaciation.

Pour ne retenir que quelques points parmi les innombrables nouveautés apportées par cette recherche, citons-en quelques-uns qui parleront aux passionnés d’archéologie : tout d’abord la chronologie du remplacement des différents léporidés (lièvre variable, lièvre brun et lapin) est grandement affinée ; la diversité morphologique et génétique désormais mieux appréhendée des loups contemporains des premières expériences de domestication qui aboutissent à la création du chien ; les rapports de fréquence entre renne, cheval et bison pendant une vingtaine de millénaires (pour l’instant !) qui conduisent à préciser que le fameux Âge du Renne, emblématique de cette période, n’est pas une réalité de la biosphère de la fin du Paléolithique (ou du Pléistocène) mais le résultat de choix stratégique de populations humaines privilégiant cette espèce qui répondait le mieux à leur organisation sociale et économique. Enfin, citons aussi une conservation exceptionnelle de l’ADN qui fait de l’Igue du Gral un site extrêmement courtisé pour comprendre l’histoire génétique des animaux, à commencer par le cheval dont il a été beaucoup question ces dernières années.

Visualisation des restes de chevaux dans un secteur fouillé en 2023. L’échelle colorimétrique précise la profondeur d’apparition des restes (de vert à bleu marine pour les plus profonds). Le lecteur peu habitué reconnaîtra des côtes, les experts identifieront des omoplates, un coxal, une mandibule, etc. © X. Muth.
Parti est de la salle principale de l’Igue du Gral découpée en carrés de fouille de 1m de côté. Différentiel altimétrique des campagnes 2021 à 2023 réalisé par comparaison de documents photogrammétriques © X. Muth.

A l’issue des fouilles conduites de 2021 à 2023, une nouvelle pause est actée au moins jusqu’en 2026. De nombreuses raisons l’expliquent : d’une part, il faut laisser le temps à la communauté archéologique et paléontologique de digérer ces découvertes avant qu’elle puisse proposer de nouvelles voies de recherches qui devront être intégrées aux prochains projets de fouilles ; d’autre part, il ne faut pas éluder des contingences matérielles avec des chercheurs de plus en plus sollicités par des projets multiples peu compatibles avec le temps long qu’une telle fouille nécessite, des financements qui restent extrêmement modestes et des exigences de sécurité de plus en plus élaborées. Enfin, les deux responsables de l’opération intervertissent leurs rôles, Myriam Boudadi-Maligne devenant responsable du projet (directrice) et Jean-Christophe Castel co-responsable (scientifique et technique).

Rassurons-nous, les principaux acteurs restent extrêmement motivés pour reprendre cette quête !

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