Certains lieux de notre belle planète sont singuliers à bien des égards, comme les pôles ou les déserts. Si un endroit est bien unique sur Terre, il s’agit de Dallol, dôme de sel situé dans le désert éthiopien. Un site où les conditions climatiques sont extrêmes, mais qui est également impropre à la vie !

La géologie et la tectonique (c’est-à-dire les déformations subies par la croûte terrestre) sont largement responsables du Grand Rift Africain, vaste déchirure de la croûte continentale, qui part de l’Ethiopie pour rejoindre le sud du Mozambique, égrainant sur son passage les grands lacs comme le lac Tanganyika, le lac Albert, le lac Kivu ou encore le lac Victoria. L’ouverture de ce rift, créée par les courants de convection du manteau terrestre, est continue, et on estime que dans quelques dizaines de milliers d’années, l’est de l’Afrique sera séparé du continent. Mais foin de digressions, revenons en Ethiopie.


Au Nord-Ouest de ce grand pays, nous avons la dépression du Danakil, une zone effondrée, située à une centaine de mètres sous le niveau de la mer. Cette zone encore appelée Triangle de l’Afar, du nom du peuple nomade qui y vit, constitue un point triple : au sud-ouest, le rift africain, au nord, la Mer Rouge et à l’Est, le golfe d’Aden. Ces contraintes font que la région ouest est active du point de vue sismique, mais également du point de vue volcanique. L’Erta Ale, vaste volcan-bouclier basaltique, renferme de temps à autre, un lac de lave.



Monticule de lave qui éjecte des gaz sous pression (1040°C).
La dépression des Afar a été envahie, il y a près de 130’000 ans par la Mer Rouge, et de colossaux amas de sels, des évaporites dans le jargon géologique, se sont déposés dans cette dépression. Plus de 2 kilomètres d’épaisseur, rendez-vous compte ! Or, dans un portion de ce territoire, à la faveur d’intrusion magmatiques, des sorties de saumures chaudes ont édifié en surface une vaste coupole. Ce dôme est l’un des endroits les plus extraordinaires au monde : l’activité hydrothermale y dépose des minéraux multicolores d’une rare beauté.



Le dôme est ponctué de sorties d’acres fumerolles à l’odeur d’œufs pourris bien connue des volcanophiles : l’hydrogène sulfuré. De petits monticules laissent échapper une saumure à plus de 100°C, une solution de sel hyper-concentrée, puisqu’avec plus de 350 grammes par litres de sel, on dépasse de 10 fois la salinité moyenne de l’eau de mer. En plus du sel, une variété d’éléments chimiques comme le fer (abondant à Dallol), le magnésium, le chlore, le soufre (bien évidemment), parmi tant d’autres, s’y retrouvent.


L’abondance de ces dépôts donne lieu à un tableau presque irréel, fait de dépôts et de bassins aux couleurs jaunes, vertes ou oranges fluo que n’auraient pas désavoué Andy Warhol. Mais un univers si sublime montre toujours le revers de sa médaille : ses eaux possèdent une acidité extrême, le pH mesuré est proche de zéro ! Toute vie y est donc proscrite ! Lorsque que l’on se promène au bord de ces bassins, de délicats festons de halite (notre sel de cuisine, tout bêtement !) y cristallisent, des sels de magnésium et de potassium comme la carnallite ou la sylvite s’y déposent en dentelles aériennes, et des mini-geysers de saumures y glougloutent…




Les bio-géo-chimistes n’ont pas manqué de tirer un parallèle avec d’autres sources hydrothermales, afin d’y trouver les bactéries et les acides aminés à l’origine de la vie sur Terre. Une contre-étude a démontré que les hypothétiques traces de microorganismes présents dans les eaux échantillonnées provenaient d’une contamination des flacons. Si l’acidité extrême n’y permet pas la vie, les conditions climatiques du désert Danakil sont également difficiles : des températures de plus de 50°C et un taux d’hygrométrie parmi les plus faibles de la planète y sont relevés ! La vie des nomades Afar et de leurs troupeaux est une gageure.
Les camions ont remplacé les caravanes de dromadaires.

L’amas considérable de halite, exploité par les Afars, possède également une couche de sylvite, minerai de potassium exploitable pour la chimie et les explosifs. Une société canadienne a donc lancé les sondages pour évaluer les quantités exploitables, mais avec une épaisseur de seulement 25 mètres dans les couches salifères, ce n’est pas rentable. Autre signe positif en faveur de l’environnement : bien que les évaporites soient parfois riches en lithium, si précieux pour les batteries, celles du Danakil n’en montrent presqu’aucune trace.
La planète Dallol pourra continuer à ravir les rares visiteurs par son extraordinaire feu d’artifice visuel, olfactif et sonore !

→ Article disponible gratuitement : Electra Kotopoulou, Silvia Frisia, et Alexander E. S. Van Driessche (2025). Natural wonders formed by minerals. Elements, Volume 21, February 2025, pp. 46-53.