Une partie des milliers de bocaux contenant des spécimens conservés en alcool © Philippe Wagneur

La bibliothèque du vivant

En ces temps de visites virtuelles, imaginons une promenade dans les galeries du Muséum : éléphants, girafes et autruches défilent sous nos yeux, accompagnés de minuscules coléoptères et de coquillages sous les flots, de poissons multicolores et de minéraux scintillants sous les spots… Les couloirs des expositions regorgent d’objets mais pourtant il ne s’agit que de la part émergée de l’iceberg : comme la plupart des institutions muséales, le Muséum ne présente au public qu’une petite partie de ses collections, riches de près de 15 millions de spécimens (par exemple, seuls 1’832 oiseaux sur les quelques 46’000 spécimens de la collection sont exposés dans les galeries).

La plus grande partie des collections du Muséum est donc conservée dans le bâtiment adjacent, où œuvrent la vingtaine de scientifiques, aidés par un personnel technique compétent. Leur travail? Étudier, conserver, rendre accessible ces collections, en collaboration avec les muséums du monde entier. On compare souvent les collections d’histoire naturelle à une bibliothèque du vivant, où chaque muséum contribue d’une partie de cet inventaire. Dans un monde connecté où la recherche scientifique est collaborative, les collections du Muséum de Genève sont au cœur des investigations sur la biodiversité actuelle et passée.

Mais comme toutes les collections, l’acquisition de nouveaux spécimens est continue et la collection n’a cessé de s’agrandir depuis sa création il y a 200 ans. Lors d’un inventaire récent, on a estimé notamment que les spécimens en alcool représentaient près de 120’000 récipients contenant au total 48’000 litres. L’alcool, en fait de l’éthanol dilué avec de l’eau distillée à 70% vol, permet de conserver des animaux à corps mous qui ne peuvent être gardé à sec (mollusques, vers, céphalopodes etc.) ou bien des animaux que la conservation à sec abimerait et qui ne permettrait plus leur étude morphologique (araignées, poissons, petits mammifères, grenouilles etc.). Une telle accumulation pose cependant des problèmes de sécurité et c’est en partie pour cette raison que le projet de construire un nouveau bâtiment a été proposé.

Montage photographique montrant le nouveau bâtiment des collections, à gauche derrière la statue du taureau ©MAK Architecture

Le projet Ambre, un nouvel écrin pour les collections du Muséum

Suite à un concours d’architecture qui s’est déroulé en 2017, un nouveau bâtiment pour les collections doit voir le jour. Ce cube, baptisé Ambre, sera connecté aux bâtiments actuels par une liaison semi-transparente, et abritera les collections en alcool dans des conditions de sécurité optimales, notamment par un contrôle de la température. Pour améliorer la protection des spécimens les plus fragiles, il a été décidé d’y installer également les insectes et arthropodes. Ceux-ci sont extrêmement sensibles à la destruction par les ravageurs, mites ou coléoptères (notamment dermestes), qui viennent pondre dans les collections et dont les larves mangeraient les spécimens, comme elles dévoreraient les tissus ou les papiers. De telles infestations peuvent détruire en quelques semaines et de manière irrémédiable tous les spécimens contenus dans une boîte entomologique.

Les mesures curatives telles que des fumigations aux gaz n’étant plus autorisées, seules sont possibles des mesures préventives, basées sur une conservation à une température suffisamment froide et une humidité relative contrôlée, défavorable au développement des œufs et des larves des ravageurs. Le nouveau bâtiment abritera également une chambre froide pour les échantillons de la banque de données ADN du Muséum, base de la recherche génétique sur le monde vivant.

Cadre entomologique © Philippe Wagneur

Des rénovations aussi dans les parties publiques

Si le nouveau bâtiment, centre de ce projet, ne sera pas accessible au public, la partie des expositions n’est pas oubliée avec la rénovation de nombreux espaces, notamment une salle d’entrée davantage adaptée au public (vestiaires agrandis et boutique rénovée), un nouveau Documentarium (salle de documentation et de médiation), et une nouvelle scénographie pour l’étage des sciences de la Terre et de l’homme : ce sont nos dinosaures qui vont être contents de ressortir de leurs caisses !

Globalement les conditions climatiques des galeries seront améliorées, particulièrement en été, à la fois pour le confort des visiteurs et pour la conservation des pièces exposées qui craignent les variations trop fortes de chaleur et d’humidité. Ces travaux vont avoir lieu par étapes et vont s’étaler sur plusieurs années afin de minimiser les nuisances pour le public.

Un projet intégré au parc et énergétiquement vertueux

Dès le départ, les concepteurs du projet ont intégré la construction d’une nouvelle aile au Muséum dans une optique de préservation des espaces verts, dans un plan cohérent avec l’urbanisation du quartier. Tout a été prévu pour ne pas endommager le cèdre qui fait face à la rue de Villereuse, en plaçant le gros œuvre sur une zone du parc qui est déjà en partie construite, entre le parking et les bâtiments actuels.

Le nouveau bâtiment des collections s’intègrera de la façon la plus discrète possible dans le parc, dans lequel les aménagements pour favoriser la biodiversité vont se développer, en plus des hôtels à insectes, points d’eau et prairies de fauche déjà en place (pour plus de détails, n’hésitez pas à jeter un coup d’œil à cette vidéo). La centrale photovoltaïque existante sur le toit sera agrandie, complétée par des toitures végétalisées là où les arbres feront de l’ombre (comme sur le bâtiment des collections). Globalement le chauffage et l’isolation des trois bâtiments seront revus pour engager de manière optimale la transition énergétique du site dans son ensemble.

Montage photographique avec le nouveau bâtiment des collections, montrant sa position dans le Parc Malagnou ©MAK Architecture

Attention travaux !

Comme tous les projets de construction, cela va prendre quelques années avant de voir sortir de terre le nouveau bâtiment, puis de pouvoir visiter les espaces rénovés dans les galeries. Visiteurs, publics scolaires et touristes vont devoir être patients et accepter de ne pas pouvoir se rendre au Muséum pendant quelques mois le temps des travaux.

Mais le jeu en vaut la chandelle, et l’ensemble de ce projet ambitieux redonnera une nouvelle dynamique à notre vénérable institution, la plaçant véritablement dans le monde du 21ème siècle ! Des présentations du projet ont déjà été proposées aux associations de quartier, mais n’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions.

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