En effet, certaines espèces récemment «découvertes» étaient peut-être déjà présentes depuis toujours mais n’ont jamais été reconnues – c’est peut être le cas pour la punaise Oxycarenus pallidus (Hollier & Andriollo 2019) ou la fulgorelle Cixius distinguendus (Hollier, Kunz & Blanc 2019).

Le climat change, certes, mais il faut également prendre en compte d’autres facteurs : par exemple, les modèles de commerce qui évoluent et le transport accru de plantes en Europe. On peut citer l’exemple de la cigale Cicada orni dont la présence est abondante à Genève. En effet, cette présence est certainement due au fait que les arbres plantés le long des lignes de tramway, prolongées en 2007-2008, ont été importés d’Avignon. En effet, cette cigale est abondante en Provence et les larves se nourrissent des racines de ces arbres (Gurcel & Hertach 2017). On peut également citer la punaise Dicyphus escalerae qui a probablement été ramenée à Genève avec sa plante-hôte, l’Antirrhinum, vendu dans les grands magasins (Hollier & Matocq 2004).

Cicada orni
Cicada orni

Cependant, la récente découverte de la punaise Geocoris erythrocephalus à Genève (Hollier & Blanc 2019) peut, à elle seule, refléter un changement climatique pour deux raisons. La première est qu’il est peu probable que cette espèce n’ait jamais été identifiée : le canton de Genève est étudié par des coléoptèrologues depuis plus d’un siècle (Löbl, 1996), et on peut imaginer que cette espèce caractérisée par un corps noir luisant et une tête rouge aurait déjà été  identifiée depuis longtemps. La seconde est que la distribution de cette espèce rapportée par Péricart (1998) montre une expansion vers le nord dans la vallée du Rhône jusqu’à Lyon, ce qui signifie que les populations sources possibles ne sont pas très éloignées.

Geocoris erythrocephalus by Didier Descouens. Used by Wiki under Creative Commons.

En conclusion, on peut dire qu’à l’avenir, le changement climatique va de plus en plus permettre à certaines espèces de s’installer dans un secteur, même si celles-ci ont, à la base, été transportées par des humains. Et dans les décennies à venir, il est certain que nous serons amenés à trouver de plus en plus d’espèces méditerranéennes à Genève.

 

Références :

Gurcel, K. & Hertach, T. 2017. La cigale grise Cicada orni Linnaeus, 1758, une espèce récente dans le canton de Genève (Hemiptera, Cicadidae). Entomo Helvetica 10: 99-108.

Hollier, J. & Andriollo, T. 2019. A Swiss record of Oxycarenus pallens (Herrich-Schäffer, 1850) (Hemiptera: Heteroptera, Lygaeidae). Entomologist’s monthly Magazine 155: 2.

Hollier, J. & Blanc, M. 2019. A Swiss record of Geocoris (Piocoris) erythrocephalus (Le Peletier & Serville, 1825) (Hemiptera, Heteroptera: Lygaeidae)Entomologist’s monthly Magazine 155: 216.

Hollier, J., Kunz, G. & Blanc, M. 2019. Première mention de Cixius distinguendus Kirschbaum (Hemiptera: Auchenorrhyncha: Cixiidae) en Suisse. Entomo Helvetica 12: 147-148.

Hollier, J & Matocq, A. 2004. Dicyphus escalerae Lindberg, 1934 (Heteroptera: Miridae), a plant bug species new for Switzerland. Mitteilungen der Schweizerischen Entomologischen Gesellschaft 77: 333-335.

Löbl, I. 1996. La coléoptèrologie au Muséum d’histoire naturelle de Genève: historique, collections, recherche. Bulletin Romand d’entomologie 14: 73–85.

Péricart, J. 1998. Hémiptères Lygaeidae Euro-Méditerranéens Volume 1. Faune de France 84a. Paris: FFSSN.

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