Un son connu

Les descriptions des bédouins et des personnes qui ont exploré les déserts mentionnent parfois des chants (sons) produits par certaines dunes. En 1933, John Philby a été charmé par ce phénomène et l’attribuait au mouvement du sable mais Marco Polo, bien avant lui au 13ème siècle, l’attribuait à de mauvais esprits. Les Arabes considéraient que c’était les djinns, ces êtres surnaturels et invisibles, qui produisaient ces sons qu’on entend à des grandes distances.

En réalité, c’est le long de la face très raide de la dune que, déclenchée naturellement par le vent ou par une personne, une avalanche de sable peut produire ce son. Il n’y a pas que certaines dunes des déserts qui chantent, mais également des dunes littorales. Pendant nos travaux de terrain en Oman, dans la Péninsule Arabique, nous avons remarqué que les dunes étoiles qui occupent certains secteurs du Rub’ al-Khali dans le sud-ouest du pays chantent naturellement lorsque le vent souffle.

Film montrant le déclenchement d’une avalanche de sable par des personnes dans le Rub’ al-Khali en Oman. Le chant caractéristique est aussi produit pendant une période venteuse lorsqu’un amas de sable se forme sur une face raide de la dune, puis devient instable et déclenche une avalanche.

Pas toutes les dunes sont chanteuses

La plupart des dunes de sables ne chantent pas. On peut essayer de déclencher des avalanches sur leur pentes, mais aucun son ne se produit. Cependant, dans certains endroits du désert, on arrive facilement à les faire chanter. Quelles sont donc les conditions particulières nécessaires pour qu’une dune chante ? Pendant longtemps, personne ne connaissait la solution, mais des études récentes ont élucidé l’origine du chant des dunes.

Image satellite (GoogleEarth_2024 Airbus) montrant un secteur dans le Rub’ al-Khali en Oman où des dunes étoiles se sont formées sur un substrat calcaire. Ce type de dunes se forme durant des périodes où le vent souffle dans différentes directions. Le résultat, ce sont ces grandes dunes plus ou moins stationnaires. Descendre une pente raide (à l’ombre sur cette photo) va probablement déclencher une avalanche de sable et faire chanter la dune.

Des grains de sable de formes variées

Les géologues qui étudient les grès (les roches formées de grains de sable consolidés) utilisent la forme des grains pour déduire l’environnement dans lequel le sable s’est déposé. Par exemple, un grès constitué de grains de quartz bien arrondis et polis indique que la roche s’est formée à partir d’un sable dans un désert.

Pour fabriquer du béton, on n’utilise presque jamais les sables d’une dune. Pourquoi ? Comme les grains de quartz ont une taille de grain limitée et sont très lisses, il faut les mélanger avec d’autres sables et du grès pour obtenir un bon béton. Les grains de sable transportés dans un fleuve ou par les vagues sur une plage sont beaucoup plus angulaires, moins triés et ont des surfaces moins lisses. Pour ces raisons, ils sont meilleurs pour la fabrication du béton.

Sable provenant du Rub’ al-Khali, Péninsule Arabique. Ce sable est constitué de grains de quartz d’une certaine taille. Les grains moins durs ont été détruits pendant le transport répétitif par le vent. C’est ce mouvement continuel qui conduit à l’arrondissement et au polissage de la surface des grains. Photo Beda Hofmann.

Les particularités du sable chanteur

On a vu que les grains de sable d’une dune sont des grains de quartz bien arrondis. De plus, les vents produisent un tri naturel selon la taille du grain. Les grains moins durs sont broyés et se transforment en poussière emportée par le vent. Beaucoup de dunes du Rub’ al-Khali ont une couleur orange à brun. C’est dû à une fine couche d’argile ainsi qu’à des oxydes et hydroxydes de fer qui se déposent à la surface des grains de sable, comme une glaçure du désert (vernis de désert). Cette glaçure aide apparemment à faire chanter la dune de sable.

Vue d’une pente raide d’une dune de sable où une avalanche s’est déclenchée naturellement. Ce sont ces avalanches descendant lentement sur la pente qui produisent le chant de la dune. Si une congère de sable sur un flan raide commence à couler et descend lentement la pente, les grains de sable dans cette couche coulante se frottent, créant ainsi un son soutenu et assez puissant. La fréquence du son dépend de la taille des grains. Pour les dunes des déserts bien triées avec une taille de grains caractéristique, des sons d’une fréquences d’environ 110 Hz sont typiques.

Comment le son est produit 

Longtemps inexpliqué, des physiciens se sont penchés sur ce phénomène pour comprendre les mécanismes et les facteurs contribuant à la production du son. Le sujet reste un domaine de recherche actif.

Les chercheurs ont d’abord mesuré l’intensité du chant qui est typiquement de 100 à 110 dB. Ensuite, ils ont analysé les sables et produit des expériences au labo en utilisant des sables collectés sur des dunes qui chantent, afin de comprendre les facteurs qui influencent le chant.

Pour obtenir un chant avec une fréquence bien définie, il faut les conditions suivantes :

  • Un sable contenant des grains fins à moyens (0.1 – 0.5 mm) bien triés. Cela permet un meilleur mouvement et une meilleure interaction entre les grains.
  • Le sable doit être sec.
  • Il faut des vents qui produisent des congères de sable sur la crète d’une dune qui, en collabant, déclenchent une avalanche de sable.
  • On observe parfois qu’en association avec un son fort, les grains de sable sautent au-dessus de la surface ou forment des vagues de grains rebondissants à la surface de la coulée.

Actuellement, on explique la génération du son de la manière suivante :

  • En glissant, les grains se frottent, s’accrochent et se lâchent en coulant.
  • Les ondes sonores ainsi produites sont réfléchies par la surface et la base de la coulée et ainsi, s’amplifient. L’interaction entre les grains de sable vibrants, les ondes stationnaires et les cavités d’air entre les grains produisent des ondes sonores audibles. La couche de sable qui coule se comporte donc comme une membrane d’un haut-parleur produisant un bourdonnement distinctif.

Voilà comment la physique a permis de comprendre l’origine du chant des dunes. Mais cette connaissance n’enlève rien au charme envoutant de cette terrestre mélopée !

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