La prédation, c’est quoi ?

Pour nous, ce fut un grand plaisir de collaborer, ensemble, avec les scientifiques du Muséum et les équipes scénographiques et techniques sur ce thème de la Prédation.

La prédation sous toutes ses formes.

Une exposition sur la prédation… les prédations. Voilà qui pourrait sembler peu original. On se dit que tout a été étudié, montré, exposé. Et pourtant… Il y a du changement. L’époque est au questionnement. Au grand débat… L’être humain peut-il,… doit-il continuer à se comporter en prédateur ?

Concernant notre alimentation carnée, on entend toutes sortes d’arguments : philosophiques, moraux, dogmatiques, politiques, diététiques, éthiques et sociologiques, mais étonnamment assez peu d’arguments venant des sciences naturelles, alors qu’elles ont beaucoup à dire. Non pas pour favoriser un camp plutôt que l’autre, mais simplement pour enrichir le débat et peut-être éviter les contre-vérités.

En pré-reflexion, nous sommes partis de la définition-même : à savoir… qu’est-ce que la prédation ? On pourrait se dire que c’est facile, mais c’est loin d’être si simple… Même dans les dictionnaires, il y a des divergences ou des imprécisions. Est-ce que du moment qu’un être vivant en tue un autre pour se nourrir, il y a prédation ? Est-ce que la vache qui broute l’herbe est une prédatrice ?

Cela a suscité des discussions animées entre nos scientifiques !

Finalement, nous nous sommes mis d’accord sur une définition. C’est la définition 2019 du Muséum que vous pourrez découvrir à l’entrée de l’exposition :

« La prédation est la relation dans laquelle un animal en tue un autre pour s’en nourrir et ainsi assurer sa survie. »

 

Une exposition en trois parties

Sur cette base, nous avons construit cette exposition en 3 parties :

1.Pour commencer, nous vous proposons un voyage dans le temps avec une première partie paléontologique où l’on y apprendra que la prédation est aussi ancienne que la vie sur Terre et que cette stratégie de survie des espèces s’est maintenue dans presque toutes les lignées du règne animal.

La prédation depuis les origines de la vie.

La prédation est un des acteurs de l’évolution des espèces et de la biodiversité.

2. Ensuite, nous vous invitons à observer les prédateurs et les proies d’aujourd’hui avec les yeux d’un biologiste. Dans cette deuxième partie, vous pourrez regarder d’un peu plus près les techniques d’attaques et de défenses des animaux dont certaines vont vous surprendre. Vous pourrez même vous mettre dans la peau d’un prédateur ou d’une proie dans une course poursuite incroyable ! Vous pourrez découvrir que les prédateurs font partie d’un tout : un écosystème instable et que leur vie est loin d’être simple.

La morale n’est d’aucune pertinence quand il s’agit d’analyser un acte de prédation dans le cadre des sciences naturelles. On peut ne pas aimer les images d’un guépard qui tue une gazelle, ou celles d’une larve de libellule qui saisit un têtard. Mais on ne peut pas condamner ces actes à moins de condamner la vie elle-même.

Que voit un biologiste quand il regarde la chaîne alimentaire ?

3. Et finalement, dans la dernière partie de l’exposition, nous nous interrogeons : qu’en est-il quand c’est l’être humain lui-même qui est impliqué dans un acte de prédation ?

Certains nous disent que la prédation par l’être humain serait une sorte de perversion et que sa nature serait fondamentalement pacifique et végétarienne. D’autres nous invitent à suivre un régime « paléo » constitué principalement de viande, comme si nos ancêtres nous indiquaient à travers les âges la vraie sagesse diététique.

Les sciences naturelles nous montrent que ces affirmations sont réductrices, voire complètement fantaisistes. L’être humain est un mangeur opportuniste, un omnivore, capable de saisir au mieux les ressources alimentaires de son environnement et de s’y adapter.

Table d’un paléobanquet.

Et il n’est pas seul dans ce cas. Beaucoup de nos cousins primates « végétariens » ne font pas autrement. Cela peut être choquant de voir un chimpanzé chasser et manger un galago, mais c’est ainsi, si l’occasion se présente, il ne refusera pas cette ressource riche en protéines qui accroît ses chances de survie.

Nos ancêtres étaient tout autant opportunistes selon l’environnement dans lequel ils vivaient.

Alors dédouané l’être humain prédateur ? A voir.

 

L’être humain, un prédateur comme les autres ?

Certaines questions sont essentielles et pertinentes.

Nourrir une planète de 8 milliards d’habitants est un défi permanent. D’autant qu’il ne s’agit pas seulement de nourrir chaque bouche à sa faim, mais aussi de sauvegarder au mieux notre planète, ses espaces naturels et sa biodiversité. L’impact de l’élevage sur la production des gaz à effet de serre, sur la déforestation et sur la consommation d’eau est aujourd’hui connu et difficilement contestable. De même, la question de la souffrance animale ne saurait être facilement écartée.

Reste alors cette question : Est-ce que l’être humain sera la première espèce à renoncer au régime carné pour des motifs culturels?

Ou moins drastiquement :

Sommes-nous prêts à diminuer notre consommation de viande et à varier nos sources de protéines ?

Nous vous laisserons faire votre choix en fin de parcours et nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à visiter cette exposition que nous en avons eu à la créer.

 

Emilie Lang, médiatrice culturelle & Pierre-Yves Frei, chargé d’exposition

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