Il est petit, a de gros yeux noirs, et est friand de noisettes, mais le mignon muscardin gardait un secret que les chercheurs du Muséum de Genève et de St-Gall viennent d’élucider. En recensant la variabilité génétique de tous les petits mammifères de notre pays, les biologistes ont en effet été surpris de constater que les muscardins de Suisse orientale et ceux de Suisse romande étaient génétiquement 10x plus différents que la moyenne habituelle qui caractérise une espèce sauvage (distance génétique intraspécifique 0 à 1.5% contre 11% pour les muscardins). Une étude précédente avait bien montré que deux lignées très divergentes existaient en Europe, mais il a fallu démontrer à une échelle bien plus précise que ces deux lignées n’échangeaient plus de gènes depuis des lustres et représentaient donc deux espèces biologiquement distinctes.
Tout reste à faire pour comprendre leur mode de vie
De façon générale, les muscardins fréquentent surtout les lisières de forêts bien denses, peuplées de ronciers et de noisetiers qui leur fournissent gîte et couvert. Ils élèvent leur petits dans un nid soigneusement tressé avec des herbes sèches.
Même si génétiquement, il est indéniable que ces deux espèces sont très distinctes, les muscardins orientaux et occidentaux sont très semblables morphologiquement et il faudra des études plus approfondies pour trouver des caractères externes qui les différencient. Cette prochaine étape est cruciale puisque les scientifiques ne connaissent pas encore la répartition exacte de ces deux espèces. Pour l’instant, on sait que la lignée occidentale occupe toute l’Italie, la France, la Belgique, l’ouest de l’Allemagne, ainsi que l’ouest de la Suisse. Il est baptisé le Muscardin occidental (nom scientifique : Muscardinus speciosus) tandis que l’espèce nominale, le Muscardin oriental (M. avellanarius) se rencontre depuis la Scandinavie, le Royaume-Uni et les Balkans, jusqu’au Moyen Orient. Outre le fait qu’elle traverse vraisemblablement le centre de la Suisse, la zone de contact de ces deux espèces n’est pas encore connue.
Une découverte d’importance pour la conservation
Avant cette découverte, le muscardin était considéré comme une espèce peu commune mais largement répandue. Elle est protégée en Suisse du fait de sa rareté. Puisque désormais le muscardin représente deux espèces distinctes, cela remet en question son statut global. Si une population locale est menacée de disparition, il sera important de veiller à ne pas la renforcer avec des individus issus de la « mauvaise » lignée génétique, car ils ne pourraient pas se reproduire avec l’espèce locale. Il s’agira également de rechercher des caractères morphologiques permettant de les distinguer facilement, afin d’étudier leurs mœurs plus précisément et mesurer quelles sont les interactions entre les deux espèces dans les zones de contact.
A l’heure de la conservation de la biodiversité, cette découverte démontre que nos connaissances sur les espèces sauvages de nos régions sont encore bien lacunaires. Il est donc impératif de lutter contre l’érosion génétique qui menace nos écosystèmes et qui pourrait faire disparaître des éléments encore inconnus de notre faune.
Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue italienne de mammalogie Hystrix et sont disponibles en ligne.